dimanche 9 mars 2014

Je me suis glissée dans la ville, à pas de loup, doucement, pour la surprendre et me laisser surprendre.
C'est amusant, cette petite ville me fait penser à une ruche.
Ses ruelles serrées, écrasées de soleil ou envahies d'ombres. Ses maisons hautes et penchées les unes vers les autres...
Même si le dimanche tout est plus calme. Moins de bruits, moins de mouvement...
Par les fenêtres ouvertes je cueille des brins de vie ici et là.
Un enfant qui rit, une porte qui claque, les éclats d'une colère anonyme, le vrombissement d'une machine à laver.
La vie à l'état brut derrière les murs, sans filtre.
Elle est vieille ma ville, une grand mère arthritique avec des coquetteries de jeune fille.
Elle est belle ma ville, avec ses portes closes et ses fenêtres grandes ouvertes.
Je crois qu'il est temps que nous fassions connaissance. Oui décidément,
il est grands temps pour moi d'ouvrir les yeux et de faire co naissance avec S...... !!!

samedi 23 novembre 2013

"La vraie vie consiste à faire ce que vous aimez, en y impliquant tout votre être, pour qu’il n’y ait aucune contradiction interne, pas de guerre entre ce que vous faites et ce que vous croyez devoir faire."

Krishnamurti

dimanche 17 novembre 2013

LES CRAYONS DE COULEURS.

Ce sont des rires, que j'entends tout d'abord.
Des éclats de soleil sonores et percutants.
Elles arrivent, elles sont là, comme un vol d'étourneaux  prenant possession d'un ciel d'automne.
Elles courent, légères et gracieuses, aériennes, vers le dortoir pour chercher leurs crayons de couleurs.
Il faut faire vite, ne pas perdre de temps, ne pas laisser la vie s'échapper...jamais.
Toujours être prête, en première ligne...
Chacune se précipite sur son sac, dans un ballet  spontané et pourtant parfaitement chorégraphié...
Les mouvements se font subitement plus petits, plus précis, le temps de faire glisser une fermeture éclair, de saisir une trousse, une boîte et de repartir aussitôt dans un élan de vie impérieux, habillé de rires et de joie.
J'ai 8, 9 ans, le sentiment de faire partie d'un groupe, de vivre  "avec" d'être portée par une énergie commune et partagée, je me sens bien, je me sens "comme"...impatiente..
Je cours, je vole...je glisse...
Ma boîte de crayons de couleurs m'échappe des mains et tout son contenu se répand sur le sol, roule sous les lits, les armoires ...
Personne ne s'est arrêté, personne ne m'attend.
Je suis restée seule, agenouillée sur le sol, au milieu de toutes ces tâches de couleur éparses.
Les bruits de pas, les rires se sont éloignés jusqu'au silence.
Et j'ai pleuré.
Un chagrin de petite fille qui me tord le ventre encore aujourd'hui.
Un chagrin d'enfant solitaire, quelque soit le lieu,le moment, le décor, les personnages...
Seule, toujours...
C'était il y a 30 ans... C'était hier !!!
Quelques instants d'une vie, marqués au fer rouge dans la chair tendre des premiers souvenirs.
Pourquoi celui là plutôt qu'un autre, infiniment répété, à chaque nouvelle blessure, toujours présent ?
Peut être est il temps pour moi de consoler cette enfant. De l'aider à ramasser ses crayons,à se remettre debout.
De lui dire que le silence aussi est un cadeau. 
Que de se retrouver au sol parfois, permet d'élargir son champ de conscience, de s'échapper du mouvement, du bruit, de l'agitation, de se trouver SOI, indépendante et libre.
Les crayons roulaient sur le sol, s'appropriaient l'espace, allaient se nicher dans des coins sombres et inexplorés. Chaque crayon, chaque couleur, unique, indispensable...
Aujourd'hui je me sens enfin capable de revivre ce souvenir avec une émotion neuve.
De réaliser à quel point cette chute aurait pu me rendre libre. A quel point déjà  la vie m'invitait à trouver MA place, à me détacher de la masse, à prendre conscience de ce qui est réellement important; les couleurs, les couleurs roulant sur le sol, s'échappant de leur cage métallique et froide pour partir à l'assaut du lieu, à leur rythme et selon leur envie...dans une danse joyeuse...
Il faisait beau ce jour là, le soleil était éclatant, la pièce baignée de lumière et pour la première fois, je me souviens de la chaleur des rayons du soleil sur ma peau, au travers des baies vitrées.
Je crois qu'il est temps de ramasser tous ces crayons, un à un, bras tendu sous une armoire,de  glisser à plat ventre sous un lit, à droite, à gauche, devant, derrière, à côté d'un radiateur,de laisser ma main tatonner dans les plis d'un vêtement abandonné à même le sol...
Temps de mettre mon corps en mouvement autrement, au service de cet appel de la vie, à mon rythme et à ma façon avec cet amour du détail qui fait de moi celle que je suis...

taillure crayon

Temps de faire confiance à la vie...

OUI, décidément, il est temps de faire confiance à la Vie
La pièce est vide et froide.
Grande et lumineuse mais sans vie.
La vie est au delà...
Sur le sol, au centre de l'espace nu se trouve une pelote de laine, toute serrée, toute emberlificotée.
Je m'en approche doucement, à petits pas comptés:
1,2,3,
C'est comme si le temps n'existait plus.
4,5,6,
Comme si ma vie toute entière se concentrait dans mes pieds.
7,8,9,
Une marche lente, un balancier, un mouvement.
10,11,12,
Un point d'équilibre entre le sol et le vide.
13,14,15,
J'avance.
16,17,18,
J'ai peur,
19,20,21,
J'ai froid.
22,23,24,
Tout ce silence m'assourdi.
25,26,27,
Me déchire les entrailles
28,29,30,
Je me sens seule
31,32,33,
Comme jamais.
34,35,36,
Mes pieds se rejoignent enfin..côtes à côtes, immobiles.
37,38,39,
Je suis au bord du vide.
Je m'incline, saisi la pelote et m’assoie sur le plancher de bois vernis,  puis je fais glisser, rouler la petite boule d'une main à l'autre, du creux de ma paume vers le bout de mes doigts, du bout de mes doigts vers le creux de ma paume, créant un mouvement neuf et intemporel, hypnotique et infini pour emprisonner le temps.
J'ai la tête vide
Le cœur vide
Le corps déserté ;
La laine roule et roule encore et encore. Elle et un monde à elle toute seule.
De quoi sont  faites nos vies ?
De bruits?
De silences ?
De souvenirs ?
Et de pelotes de laine...
J'aimerai être capable d'en saisir une extrémité, de m'y agripper comme un appât à son hameçon, me laisser doucement glisser vers les profondeurs...
Je ferme les yeux...

mardi 5 novembre 2013

Quelle prétention d'avoir imaginé être capable d'écrire chaque jour...
Un jour sur deux...
Sur trois...
Une fois par semaine...
...
Pourtant les mots sont là, dans l'ordre, dans le désordre, au bord des lèvres, sur le bout de la langue, au fond du cœur, au bout des doigts, parfois même coincés en travers de la gorge...
Ils sont là, ils grouillent , ils circulent dans mon  sang, encre rouge, encre noire intimement mêlées...
Comment pourraient ils venir à me manquer alors qu'ils forment mon "tout" qu'ils me constituent .
A travers eux je prends ma place dans la grande histoire du monde... A travers eux j'existe...
J'aime les mots, leurs musiques, leur âme et leurs secrets, ce qu'ils montrent et ce qu'ils cachent.
J'aime les histoires, les petites, les grandes, celles qui font danser les émotions à travers le temps, à travers les âges.
En réalité, j'aime aimer...
Je crois que c'est aussi simple que cela.


Oui décidément, les choses les plus simples sont bien souvent aussi, les plus belles...


lundi 21 octobre 2013


Un petit plaisir, chaque jour...
Je m’aperçois qu'ils sont nombreux, ces petits instants éphémères et anonymes et  aussi insaisissables que le vent.
Un rapace, majestueux  et flamboyant, entre aperçu sur le bord de la route...
L'odeur du café, inattendue, au détours d'une rue...
Un rire d'enfant spontané et rafraîchissant comme une pluie d'été...
Avec tous, un point commun, celui du corps...
Vue, ouïe,odorat, toucher... tout ces petits plaisirs passent  par le corps, le traversent et s'y impriment avant même  d'atteindre notre conscience...
Quelles leçons  en tirer ???

Peut être qu'aimer son corps, est une belle façon d'aimer la vie...
Oui décidément, les corps sont beaux...

jeudi 17 octobre 2013

Le temps m'a manqué...il me manque encore... il me manque toujours...
Les  petits plaisirs sont là pourtant, chaque jours, fidèles à  ceux qui les espèrent.
Pour patienter, je vous offre une histoire;

Elle avait toujours été là.                                        
Aussi  loin que remontaient  ses souvenirs, ceux de son père et ceux de son père avant lui, elle avait toujours été là.
Immense et grise, immobile, brisant la ligne d’horizon de son dos arrondi et brillant.
Les étrangers s’imaginaient qu’il ne s’agissait  que d’un simple rocher, une pierre à l’éclat surnaturel et à l’aspect étrangement lisse mais…
Lui savait, l’enfant savait sans que personne jamais ne lui ai dit, apprit  avec des mots. Elle n’était pas faite de roches et de pierres, mais de chaire et de sang. Elle était seule là, comme suspendue au milieu de l’océan, accrochée à l’extrémité des  ses cils.
Les villageois la craignaient,  ce que l’Homme ne peut pas comprendre parait toujours effrayant.
Les pêcheurs ne s’en approchaient jamais, et les habitants  avaient déserté cette partie de l’île où sa vue ne pouvait échapper à leur regard.
Ce que l’Homme ne peut pas comprendre, il s’arrange toujours pour le tenir à distance.
Mais l’enfant n’avait pas peur. A sa naissance il avait reçu le don de la curiosité et celui de la solitude.
Sa mère était morte.
Sa mère venait de mourir, de pousser son dernier souffle dans sa chambre d’hôpital.
Elle n’était plus.
Et lui assit là au bout de la terre, au bout de ses larmes, regardait cette masse sombre dans le soleil couchant.
Et c’était bon.
Tout son monde s’écroulait, englouti dans la peine, le chagrin et cet effroyable sentiment d’injustice, tout s’écroulait, s’assombrissait. Toutes ses certitudes devenaient aussi  friables  que de la terre asséchée par un soleil implacable, tout…sauf Elle.
Petit déjà, Elle le fascinait, il l’avait rencontré un matin, où le cœur écrasé de chagrin il avait fuit  sa maison, les disputes, les cris…
Personne ne s’était aperçut de son départ, personne n’était venu le chercher,  personne ne l’avait retenu pour apaiser sa détresse, personne mis à part cette immensité bleue qui l’empêchait  de s’échapper plus avant et …la Baleine.
Il s’était installé tout au bord de l’eau, le nez au vent se livrant tout entier  au baiser humide que l’océan faisait à la grève, tant et tant de fois renouvelé.
Il s’était abandonné à cette caresse qui ne lui était pas destinée, et cette douceur marine  qui en épousant  les contours de son corps lui avait appris que sur cette plage, il avait sa place.
Et le goût du  sel  sur ses lèvres devenait infini…
Il avait passé beaucoup de temps là, dans cet espace de sable, d’eau et de silence.
Il avait passé beaucoup de temps à la regarder sous le vent, à en admirer la beauté, l’immobilité et le mystère.
Il lui avait offert tous ses plus beaux silences, quelques  unes de ses larmes et tous ses  éclats de rires…
Aujourd’hui   il lui avait apporté dans son  cœur meurtri  toute la détresse d’une perte irréparable.
Il lui avait apporté son enfance, amputé de l’amour et de la présence de sa mère.
Il se leva, s’approcha de l’eau, s’approcha de l’animal, de ce qui depuis tant d’année dans sa vie, n’avait pas bougé.
Un pied devant l’autre
Un pied sur le sable
Un pied dans l’écume des vagues
Un pied dans l’eau glacé, puis un autre et encore un autre…
L’eau montait, le long de ses mollets ronds d’enfant, emprisonnant ses genoux de sa main glacé, glissant sur ses cuisses, toujours plus haut.
Un pied devant l’autre jusqu'à ce que tout son corps bascule et que ses bras d’enfant  ne l’entrainent vers l’avant.
Il s’était mit à nager.
Son esprit submergé  par le chagrin  avait fait silence soudain et son corps s’était mit à parler à sa place…
Son bras droit  projeté vers l’avant, puis le gauche  accompagnés par les battements réguliers de ses jambes ; il avançait comme les aiguilles d’une horloge avec une détermination et une régularité sans faille.
Il voulait échapper à tout ce qui ici, sur cette île sur cette plage, dans cette vie, lui déchirait les entrailles, l’empêchait de respirer.
 Echapper à ce couteau imaginaire qui lui lacerait le cœur sans discontinuer depuis son départ de l’hôpital, échapper au manque d’elle ,à ses bras qui ne le seraient plus, à ses baisers humides sur ses joues et sur son front le soir avant de s’endormir, à son regard qui ne l’accompagnerait plus jamais jusqu’au bout du chemin, à tous ces matins où elle ne serait plus là.
Il nagea longtemps, il nagea fort, il nagea loin, il nagea jusqu'à la Baleine.
C’est la chaleur du contact de sa peau grise et luisante qui l’arrêta.
C’est l’étrange et surprenante chaleur de l’animal qui le rendit à lui-même.
Il colla son corps contre le sien, son visage  noyé à la surface de l’eau dans le gris de sa peau.
Imperceptiblement, l’animal s’inclina basculant sur le côté, offrant son flan à l’enfant comme un rivage improbable. Il s’y abandonna…

Ce sont les cris qui le réveillèrent, son prénom  hurlé, porté par la voix de son père.
Il senti ensuite la caresse du soleil sur sa peau, la douceur iodée du vent, le crissement du sable sous sont corps lourd qu’il tentait de mettre en mouvement.
Ses vêtements avaient séchés, ils étaient rêches, fripés et ils  griffaient sa peau.
En ouvrant les yeux, il fut ébloui par l’intensité de l’éclat du soleil qui se réverbérait sur l’océan, faisant naître des milliers d’étoiles miroitantes à la surface de l’eau.
Une eau qu’aucune  masse sombre et grise ne venait plus  briser. La Baleine avait disparue.
Il s’assit brutalement sur le sable, le regard collé à l’horizon alors que son père et les villageois partis à sa recherche le rejoignaient.
Tous regardaient l’absence, une masse agglutinée de corps sur la plage, autour de l’enfant  et  un unique regard porté sur le vide laissé par la Baleine.
Elle était partie.
Elle avait accueilli l’enfant sur son flan,  elle avait absorbé ses larmes, son chagrin immense et lourd, elle avait englouti  ses peurs les plus profondes sous sa peau et tout en le ramenant délicatement sur le rivage avec sa queue, elle lui avait rendu un peu de son enfance perdue, de ses rêves et de sa foi en la vie.
Et elle était partie.

Avant que quiconque ne pu prononcer un mot, indifférente à la surprise des adultes et tout au soulagement de retrouver celui qu’elle aimait, une petite demoiselle blonde se jeta sur le sable à côté de l’enfant resté muet.
-Tes yeux ne sont plus bleus !!!
  Ils sont gris à présent, gris  couleur baleine…
Ils se saisirent la main dans un même mouvement spontanée et  tendre, et il lui sourit…